mercredi 28 février 2024

La poisse

À la base je voulais écrire un article sur le chat en bas de ma rue, celui pour lequel j'ai contacté l'association de la ville, que je devais amener chez le véto parce qu'il éternue (potipoussin) et qui n'était pas là le jour dit (eeeeeh oui, les humains avaient pris des dispositions pour lui mais…) et que je voudrais essayer d'adopter pendant les vacances, la semaine prochaine, voir s'il se sent bien chez moi. C'est toute une difficulté dans le dedans de moi, parce que je n'ai pas d'extérieur dans l'appartement, donc j'hésite, je tournicote, je me dis le pauvre potichat s'il veut sortir, je me dis s'il n'est pas bien chez moi, je m'entraîne à travailler à laisser les portes ouvertes, à me désangoisser de ça, à pouvoir rester concentrée même quand une porte est ouverte, pour que le chat puisse aller partout quand il veut (je me suis dit OK c'est pas différent de quand t'es dans un studio et que t'as pas d'espaces bien séparés, et d'autres trucs), je me renseigne sur internet, je me prépare, je monte des plans : je veux qu'il me suive jusqu'à l'appart, pas le faire entrer dans une boîte de transport, parce que je me dis que comme ça j'aurais peut-être moins l'impression d'un alien entré chez moi ; j'en ai parlé à la dame de la médiation animale, à la psy… Pour plein de gens adopter un chat est super simple, et moi je me dis il ne va pas m'aimer, ou il va m'aimer juste parce que je le nourris, ou comment je sais qu'il m'aime bien moi ou juste parce que je fais des papouilles dans la rue et que un autre humain ce serait pareil ? Je voulais parler de tout ça, en long, en large, et en travers. Mais en fait, j'ai eu une nouvelle, alors je vais parler de ça, plutôt (heureusement que je vois la psy demain, vraiment ce rendez-vous tombe parfaitement bien).

Je ne vais pas au Louvre.
Ce n'est pas que j'ai raté l'entretien. C'est qu'il n'y aura pas d'entretien.
La gentille madame m'a dit qu'elle avait demandé au DHR un budget pour l'apprentissage et qu'elle avait eu un refus ferme et définitif, donc pas la peine que je vienne. Heureusement que j'ai pris les billets tôt et qu'ils étaient remboursables sans frais. C'est toujours ça de gagné.

Ça m'saoule.

Pourquoi rien ne peut jamais être simple ? Plein de gens qui se réorientent trouvent leur formation, la suivent, et la réussissent, et trouvent un travail. Voilà. Aussi simple que ça. Moi, je tente Transition Pro, mais je ne suis pas éligible. Je contacte un DUT, mais j'ai déjà un Master et c'est un problème. J'envoie plusieurs CV à des musées, et ils ne recrutent pas en alternance. Et quand, enfin, j'ai la chance d'intéresser quelqu'un, qu'on me rappelle en quelques jours pour me dire oui, eh bien en fait ça ne marche quand même pas. Rien ne fonctionne jamais simplement. Que ce soit trouver une formation, me réorienter, l'administration ; c'que vous voulez ! Rien ne fonctionne jamais simplement. Même pour mon problème de voiture, il a fallu faire des pérégrinations de ci de là, parce que le premier garage ne savait pas, et il reste encore de l'eau qui ne pourra partir que cet été, et donc j'ai encore des moisissures. Pour mon problème de matelas, pareil. Rien n'est jamais simple, il y a toujours une étape après celle déjà passée. Je prends sur moi de prendre rendez-vous pour l'écho pour mon ventre, et ça ne suffit pas, faut une IRM derrière. Ça me saoule. Je voudrais bien quelque chose de simple au moins une fois, juste UNE putain de fois.

J'avais reçu un appel sans message sur la boîte vocale, je crois que c'était elle, mais j'ai rappelé entre midi et deux et je pense qu'elle était en pause. Heureusement que je ne l'ai pas eu au téléphone, en fait, parce que j'aurais pleuré, et j'étais encore en direct à l'antenne : la reprise après la pause musicale aurait été très compliquée… J'ai répondu au mail de la dame en lui disant que j'aurais aimé travailler avec elle, parce que je l'ai bien aimée quand je l'ai eu au téléphone, c'est vrai ; je crois qu'elle est comme moi : elle parle en même temps qu'elle réfléchit.

Bon. Le problème c'est que lundi mon chef a dit au chef du dessus que je réfléchissais à partir. Heureusement que je lui avais dit d'être prudent en attente de la réponse du Louvre. Parce que là… C'est vraiment la merde. Je vais faire d'autres candidatures, beaucoup plein, même dans des musées qui ne m'intéressent a priori pas tant que ça. Je vais contacter Paris Musées, et puis surtout ben… je vais répondre aux offres qui me seront envoyées par les administrateurs de la fac, même si ça n'a rien à voir avec les musées. La dame du musée de la Marine m'a dit qu'elle avait transféré aux RH mais je leur avais déjà envoyé, sans réponse, donc c'est mort de ce côté. Donc maintenant je m'en fous de où j'atterris, il me faut juste une entreprise et merde. Après, je me casse en Bretagne. Et je prends des cours de théâtre, je me paye une formation de doublage, et j'essaye de faire des voix de dessins animés. J'adorerais faire ça. (Oui, je cherche vraiment à me reconvertir dans les musées en sachant que derrière je veux encore faire autre chose.)

J'en ai marre. Je suis triste mais je suis en colère aussi, parce que rien n'est jamais simple, y a toujours des étapes supplémentaires, jamais d'autoroutes, alors que plein d'autres gens ont des autoroutes : diplôme, premier entretien d'embauche, premier poste qui leur plaît, et point. Ce n'est pas juste. Moi, que ce soit dans le professionnel, dans le personnel, dans le médical, rien n'est jamais simple, rien ne se fait jamais dans l'ordre, sans accroc. Je dois avoir un problème, ou la poisse. La vie c'est de la merde. Et comme j'écris cet article à la place d'écrire une histoire comme je voulais, je vais finir encore plus frustrée, parce que je suis trop fatiguée pour enchaîner derrière, je vois des étoiles. Je suis trop conne.

vendredi 26 janvier 2024

Impulsion

Source – Andrew
À la base, c'était censé être un article un peu joyeux, mais au final il n'aura sans doute pas cette gueule-là. En même temps, comme m'a fait remarquer la psy, je n'aime toujours pas mon travail, donc dans ces conditions comment les angoisses pourraient-elles s'en aller ? Du coup, j'ai toujours du mal à dormir, et je laisse même mon téléphone allumé ces derniers jours pour consulter WhatsApp au cas où mon amie expatriée au Canada m'aurait répondu, donc j'écris à trois heures du matin avant de me rendormir (enfin, d'essayer…). J'ai une petite boule de colère en moi, qui pousse-pousse-pousse, ça sent la vieille colère dans une cocotte-minute ; je pourrai me taper sur le front même si j'essaye de me retenir, je crie contre mon ordi qui ne fonctionne pas, ou quand je n'arrive pas à faire quelque chose, je rumine pas mal sur le fait que de toute façon personne ne m'aime et je ne suis pas assez bien pour être aimée, etc. La psy dit : "selon qui ?" – ben, selon moi – "donc ce que vous pensez s'applique aux autres, comme une loi universelle ?" – euh… Donc quand j'ai une pensé, et qu'à la question "selon qui ?" la réponse est "ben, selon moi", je dois la remplacer. Pas gagné. Hier j'étais énervée toute la journée, remontée comme une pendule. C'était après la psy, je crois que des choses travaillaient en arrière-plan. Je suis une petite boule de colère et d'anxiété. Ça s'est renforcé quand mon amie m'a parlé de trucs, qui ont fait vibrer ma blessure de rejet, et j'ai du mal à contenir les fantasmes négatifs de rejet, maintenant, depuis quelques jours. Pas top. Et pourtant, malgré tout ça, il y a en même temps une vraie impulsion à faire des trucs

J'ai recommencé à faire mes exercices de moyen-égyptien, ce que je n'avais pas fait depuis des mois, parce qu'à chaque fois que j'ouvrais la page des exercices et que je lisais les phrases à traduire les larmes me montaient et je me disais mais oh mon Dieu je ne peux pas traduire ça, je ne comprends pas… J'ai créé un serveur Discord, et j'ai demandé au secrétariat de l'institut de l'envoyer aux étudiants de ma promo, idée d'un ami que je n'aurais jamais réalisée il y a de cela quelques semaines, et là je l'ai fait sans trop penser au rejet ; je me suis juste dit que ça pourrait être sympa de papoter. J'aimerais reprendre sérieusement l'aïkido, et rajouter des vidéos de renforcement musculaire d'une états-unienne que mon amie au Canada m'avait passé cet été ; je ferai ça le jeudi et le samedi, je pense, à partir de février. J'écris beaucoup, aussi. J'aimerais lire plus régulièrement vos blogs et en découvrir de nouveaux (si vous en avez que vous aimez, dites-moi !).

Je suis un peu perdue, d'en même temps aller très mal, me mordre la joue et foutre du sang partout, me masturber par stress, de ne pas dormir, angoisser ; et en même temps avoir de la motivation à faire des trucs, une impulsion vers l'avant, un peu comme deux extrémités d'une même chaîne, enfin si on veut. C'est un peu bizarre. Ça fait vraiment longtemps que je n'ai pas eu d'impulsion pour de vrai. À voir comment ça va durer. En plus, je me débats avec des problèmes de moisissures sur mon futon – et comme je suis très con, j'ai mis trop d'eau au cristaux de soude la dernière fois que j'ai voulu tenter un truc pour nettoyer, et maintenant l'eau s'écoule d'un côté ou de l'autre, attirée par la gravité ; il va me falloir des jours pour tout sécher, c'est un enfer. Au moins, les fuites d'eau dans la voiture sont réparées, c'est déjà ça de pris. Un pas à la fois. En plus je veux vraiment le poste au Louvre l'année prochaine, alors je n'ai jamais de fantasmes négatifs dessus, tellement je veux ce poste. Je serais vraiment triste et dégoûtée de ne pas l'avoir. Surtout s'ils me disent que finalement ils prennent un étudiant en Master ; là je me dirais que comme d'habitude la fatalité est contre moi. La semaine prochaine je vais relancer la dame pour avoir les informations pour les accès parce qu'un mois avant l'entretien ça ne me paraît pas trop tôt avant, je pense (?).

Mercredi j'ai décidé de couper les fantasmes amoureux avec le garçon imaginaire. Pas les fantasmes sexuels, parce que c'est sain d'en avoir et que j'aurais peur, en les coupant, de ne plus pouvoir en avoir plus tard. J'arrive assez bien à conditionner mon cerveau quand je l'ai décidé, mais du coup si je ne peux pas le déconditionner ce serait un problème. Puis en vrai je n'ai aucun problème avec l'usage de mes fantasmes sexuels, au contraire de mes fantasmes amoureux, qui prennent de la place même en pleine journée et sont la réponse à à peu près toutes les situations d'anxiété. Pas très sain. Donc j'ai tout coupé. À part quelques tentatives d'incursions, pour le moment ils me laissent tranquilles. Je me dis que ce sera la première semaine le cap le plus dur à passer.

Ce week-end j'ai un texte à corriger, un roman-sans-faire-exprès vu qu'à l'origine ça devait être une novella, et ensuite je vais pouvoir utiliser mon mois de février à lire, ce qui me fait vraiment super plaisir (en plus, me plonger des heures entières dans des bouquins, devrait m'aider à tenir les fantasmes à distance).

J'en fous vraiment pas une au boulot. Lundi, après un week-end de trois jours (voiture au garage vendredi) je n'en ai vraiment pas taffé une. Si j'avais été absente ça aurait été quasiment tout pareil, et le pire c'est que le chef ne se rend compte de rien. J'ai du mal à travailler. Un moment, c'était parce qu'il n'y avait trop rien à faire, mais maintenant même avec des choses à faire je n'ai juste pas envie de les faire. Quand je peux, je mets de l'ASMR pour me forcer à me concentrer, sinon ce n'est même pas la peine d'essayer… et nous ne sommes encore qu'en janvier. Je dois aller jusqu'à fin-juillet, comme ça. J'espère vraiment que je ne ferai pas encore une année à la rentrée prochaine.

jeudi 28 décembre 2023

Mes derniers livres lus (n°13)

Bien longtemps que je n'avais pas fait un article ! Je suis une lectrice lente, sans compter que quand je suis fatiguée le soir, parfois je ne lis pas. Mais je profite des vacances pour accélérer le rythme !


Nevernight
, tome 1 : N'oublie jamais – Jay Kristoff

Fille d’un renégat dont la rébellion a avorté, Mia Corvere a réchappé de justesse à l’extermination des siens. Livrée à elle-même, elle erre dans une ville bâtie sur les ossements d’un dieu mort, traquée par le Sénat et les anciens camarades de son père. À seize ans, elle va devenir l’une des apprentis du groupe d’assassins le plus dangereux de toute la République : L’Église rouge. Dans cette institution où les trahisons et les confrontations violentes sont monnaie courante, l’échec est puni de mort. Mais si elle survit à son initiation, elle fera partie des élus de Notre-Dame du Saint-Meurtre et se rapprochera un peu plus de son unique raison de vivre : la vengeance.

Au début, j'ai eu peur. Quand j'ai lu le résumé dans les rayons de la Fnac. "Notre-Dame du Saint-Meurtre", l'école dans laquelle on meurt, ça paraissait un peu trop. J'ai quand même ouvert le livre. Et j'ai été happée par l'écriture. C'est ce qui m'a convaincue de l'acheter, l'hiver dernier, même si les premières pages me paraissaient toujours "trop". Mais, quelques huit mois plus tard, j'ai eu besoin de lire quelque chose de sombre, alors je me suis lancée. J'ai eu un peu de mal au début parce que le trait de cette République inspirée de la République romaine, dans laquelle se déroulent toutes sortes de choses sordides, était un peu trop poussé, un peu exagéré, un peu caricatural. Du coup, un moment je me suis dit que je n'allais sans doute pas lire la suite de la saga, et je ne savais même pas si j'irai au bout du roman. Et puis, passés les premiers chapitres, l'impression passe. Je pense que l'auteur a voulu durcir le trait au début pour bien nous faire comprendre où l'on se trouvait, et ensuite, une fois plongés dedans, il y a moins de remarques sombres à tous les coins de pages, j'ai trouvé ça plus fluide. Et là… là j'ai été happée !

Nous suivons donc Mia, qui n'est pour moi ni vraiment une héroïne ni vraiment une anti-héroïne. Je crois que c'est un peu le cas de tous les personnages, en fin de compte. Dès le début, dans l'exergue du narrateur, elle nous ait présentée, ou du moins c'est ce que j'avais imaginé, comme une espèce de monstre, alors qu'en fait pas du tout. C'est une chouette gamine.

J'ai aimé Mia – je les ai tous aimés, à vrai dire, ils sont tous plein de justesse – et j'ai adoré Tric <3. Ce garçon est adorable (comprenez mon épouvantable chagrin à la fin de toute cette histoire, du coup). Une fois que j'ai été happée, j'ai été happée. Dans cette école pas banale où il vaut mieux surveiller ses arrières, dans l'histoire d'amour, aussi, qui est à sa juste place. Elle n'est ni là pour faire joli, pour répondre aux codes du genre, ni là comme une tromperie : le roman ne se transforme jamais en romance-guimauve, qui n'aurait collé ni avec l'univers ni avec les personnages. En gros, il n'y a pas tromperie sur la marchandise : on vous raconte bien l'histoire de Mia et de sa vengeance, et pas son idylle sentimentale. N'empêche que, moi, avec mon petit cœur de guimauve-shamallow-fondu, il a quand même fallu que j'aille lire une paire de chroniques sur les tomes 2 et 3 pour savoir à quoi m'attendre, parce que sinon je n'aurais jamais tenu (je suis trop fragile pour ça, et j'aime pas les histoires tristes). Bon, du coup, maintenant que je suis prévenue, je vais attendre un peu avant de prendre la suite ; je vais attendre que mon petit cœur guimauve-shamallow-fondu ait arrêté de pleurer.

Avec les professeurs complètement indifférents au sort des élèves, il y a quelque chose qu'on retrouve dans pas mal de manga shônen : des jeunes livrés à eux-mêmes au milieu d'adultes un peu frappés. Sauf que, dans les mangas, c'est traité de manière plutôt sublimée, un peu comme dans les contes, et de manière plus légère enfin disons plus tourné vers "comment les jeunes vont grandir à l'intérieur, trouver leur identité" etc. et au final les jeunes en question sont remplis de pouvoirs qui leur permettre de passer outre et de se débrouiller. Là, dans Nevernight, c'est traité d'une manière tout à fait différente, beaucoup plus crue, et les jeunes sont en fait à la merci des adultes. À part Mia, ils n'ont pas spécifiquement de pouvoirs, ils sont donc beaucoup plus vulnérable aux adultes frappés du bulbe. Je pense que c'est le genre de roman dans lequel l'atmosphère, ou les thématiques, ne sont pas du tout universelles : il faut que ça parle au lecteur pour que le lecteur accroche, sinon il se demande dans quelle histoire complètement what the fuck il est tombé. Moi, j'ai accroché.

Dans les derniers chapitres l'histoire bascule dans autre chose, en quelques sortes l'histoire change un peu de visage, avec la lutte contre un complot dont on a des indices ici et là mais sans que jamais l'on soit vraiment prévenus avant que c'est en cours. Et pourtant, ça marche. Je n'ai jamais eu l'impression que l'auteur nous avait collé sans prévenir la fin d'un autre roman à celui-là, tout coule de source.

Ceci dit, j'ai été gênée parfois par des effets qui reviennent, des expressions (beaucoup dans les derniers chapitres de remarques du narrateur du genre : "on doit leur reconnaître que" ou "à leur honneur, ils" etc.), j'ai trouvé parfois dans un seul paragraphes deux phrases sur la même structure ("blablabla, elle le savait") et cela m'a un peu dérangée.

On frôle parfois des incohérences, et puis parfois on tombe dedans. Comment le vent peut-il pousser les cheveux de Mia dans ses yeux alors qu'ils sont salis de sang et de poussière ? Comment Mia peut-elle finir de retirer son pantalon alors que deux pages plus tôt elle se tortillait pour se "libérer les jambes" ? Comment peut-elle envoyer son "ultime couteau" de lancer alors que, quelques paragraphes plus tôt, elle projetait "son dernier couteau" dans la gorge d'un soldat sans qu'il soit précisé qu'elle le récupérait sur son corps ? Comment les créatures de la bibliothèque peuvent-elles se dresser par-dessus les étagères alors que les livres sont censés aller jusqu'au plafond ? Ça fait une très jolie image de film hollywoodien, ces grandes créatures menaçantes par-dessus les étagères, mais, à moins de transpercer le plafond, ce n'est pas possible.

Du coup, je ne sais pas si ce sont parfois de vraies incohérences ou un déficit de description de la part de l'auteur, mais cela m'a dérangée dans ma lecture parce que moi quand vous me dites qu'il y a des livres jusqu'au plafond je n'ai pas l'idée d'une bibliothèque-avec-vraiment-beaucoup-de-livres : je vois des livres jusqu'au plafond. J'ai des images mentales plutôt très précises, je vais relire des pages ou des morceaux pour même avoir les expressions bien en tête parce que juste l'idée de la phrase ne me suffit pas. Donc ce genre de choses, minuscules ou un peu moins minuscules, ça a tendance à m'agacer et à me sortir de ma lecture et c'est dommage.

Un bémol aussi à la fin : l'un des personnages a coincé Mia et encourage un autre à la tuer ; je n'ai pas compris pourquoi il ne le fait pas lui-même alors qu'il est en position de le faire (d'un autre côté c'est peut-être une histoire de sentiments).

L'histoire et la plume m'ont vraiment prises. Elles ont résonné dans un certain nombre de mes angoisses, je crois. Mais ce n'est pas de la dark fantasy, il n'y a pas cette atmosphère poisseuse et gluante qui me colle des fantasmes morbides pendant des jours. Je crois que pour moi ça plus eu l'effet profond du conte, mais un conte qui viendrait parler à mes angoisses. Je suis retournée. Du coup, je lirai la suite ! Mais pas toute de suite… oh lala non, pas tout de suite… :'(



Nevernight
, tome 2 et 3 : Les Grands jeux et L'Aube obscure – Jay Kristoff

Mia est fait maintenant partie des Lames de Notre-Dame du Saint Meurtre au sein de L'Église rouge. Mais beaucoup pensent qu'elle n'a pas mérité ce titre. Elle commet des assassinats au nom de l'organisation, mais au fond d'elle son objectif est resté le même : se venger des responsables de l'assassinat de sa famille. Après une confrontation avec un mystérieux ennemi, Mia commence à douter des vraies motivations de L'Église rouge.

Lorsqu'il est annoncé que Scaeva et Duomo vont faire une apparition aux Grands Jeux de Sépulcra, la cité des morts, Mia choisit de défier l'Église rouge et se fait délibérément enlever afin d'être vendue à une troupe de gladiateurs. Par ce moyen et en gagnant les Grands Jeux, elle pourra s'approcher au plus près des assassins de sa famille et enfin accomplir sa vengeance. Mais tout ne va pas se passer comme prévu

*

Les grands jeux de Sépulcra ont pris fin dans un bain de sang. Mia Corvere, gladiatii, esclave et assassin tristement célèbre, est en fuite. Pourchassée par les Lames de l'Église rouge et les soldats de la légion Luminatii, elle ne s'échappera peut-être jamais vivante de la Cité des Ponts et des Os. Mais, sous la ville, un sombre secret l'attend. Si elle veut connaître les dernières réponses à l'énigme de sa vie, elle doit entreprendre un périlleux voyage à travers la République. Alors que la vrainuit menace de tomber pour la dernière fois, Mia parviendra-t-elle à survivre dans un monde où même la lumière du jour doit mourir ?

Je vous les présente en même temps parce que je les ai lu l'un à la suite de l'autre pendant mes vacances, donc pour moi c'est un peu comme si j'avais lu un seul gros tome.

J'attendais beaucoup de la suite de cette saga, comme le premier tome m'avait vraiment emportée. Je ne sais pas si je peux qualifier mon sentiment de déception, mais en tout cas ces deux tomes ont moins marché pour moi.

J'ai d'abord eu du mal à entrer dans le tome 2. Il y a pas mal d'informations qui sont répétées (comme le fait que les événements de fin du tome 1 se sont déroulés huit mois avant), en plus de la tendance de l'auteur a réemployer les mêmes expressions à deux ou trois paragraphes d'écart, ce qui peut être assez agaçant. Dans le tome 1, il appelle parfois ses personnages par "la blonde" ou "la brune", mais là c'était vraiment tout le temps et assez agaçant (ce qu'il ne fait plus du tout dans le tome 3). Du coup, le mélange de tout ça fait qu'il m'a fallu un peu de temps pour entrer véritablement dans l'histoire. Une fois que ça a été fait, je me suis laissée prendre au jeu.

On suit donc Mia dans son objectif de participer et de gagner les Grands jeux, sa relation avec les autres gladiatii, et avec Ashlinn, surtout, avec laquelle elle va finir par se mettre en couple.

J'ai trouvé les personnages vraiment sympa et les enjeux vraiment chouettes. Je me suis peut-être moins laissées emportée par ma lecture (même si l'univers est toujours super développé) ; j'ai eu l'impression que le savant mélange de dark fantasy et de série pour ado du tome 1 tirait plus vers le second, ce qui produit au final une atmosphère que j'ai trouvé moins riche.

Si je comprends le couple Mia/Ashlinn, qui a été préparé dès le tome 1 avec des indices quant aux sentiments d'Ashlinn pour Mia, que tout est expliqué sur le pourquoi du comment, le besoin de réconfort, le danger, l'amitié qui a précédé, etc., je n'ai pas réussi à m'attacher à ce couple, et ce sentiment m'est resté dans le tome 3. Je pense qu'il m'a manqué des scènes plus "romantiques" ou sentimentales, avec des confidences, ce genre de choses, comme on avait pu en avoir dans le tome 1 entre Tric et Mia.

D'ailleurs, en parlant de Tric, il m'a beaucoup manqué, il apportait au premier tome quelque chose en plus.

J'ai beaucoup aimé la conclusion de ce tome 2, les machinations et manipulations des uns et des autres, assez complexes et bien faites, j'ai trouvé. Et je me suis donc engagée dans le tome 3 tout de suite après.

Déjà, j'ai aimé y retrouver Tric, j'adore vraiment ce personnage, et je m'y suis véritablement attachée, ce qui fait que j'avais encore plus de mal avec le couple Ashlinn/Mia auquel j'avais déjà échoué à m'attacher. Tric est vraiment un garçon hyper adorable et je suis très triste de la manière dont ça se finit pour lui. Il est en fin de compte très seul, ne semble pas se lier d'amitié avec les nouveaux compagnons de Mia, fait un peu bande à part, et termine très seul, dans l'indifférence presque totale : à la fin, aucun personnage ne se demande où il est passé. La seule pensée qui s'intéresse à lui est en fait un indice de l'auteur pour indiquer que ce n'est pas fini et qu'il faut rester alerte sur ce quelque chose qui va se produire. Sinon, personne ne demande des nouvelles sur son compte, personne ne pense à lui, et on ne sait même pas vraiment si ça termine bien pour lui. On peut imaginer qu'il se retrouve avec des gens qu'il aime ou a aimé, mais aucun de ces personnages n'a été vécu pour le lecteur : on en a juste entendu parler, on ne sait donc pas comment ils sont, ils n'existent pas, un peu, et ne suffisent pas à combler l'impression de solitude que je garde autour de Tric. Sentiment qui me fait d'autant plus mal que j'ai adoré ce personnage, vraiment très, très fort, que c'est vraiment un gentil garçon, le plus doux des personnages, et qu'il ne méritait vraiment pas de finir aussi seul.

Je crois avoir compris que ce n'est pas le sentiment que veut susciter l'auteur : il veut plutôt montrer la loyauté, la bonté de cœur, etc., mais au final ça ne marche pas sur moi : je ne retiens qu'un abyssal sentiment de solitude, au point même que ça entache le sentiment que j'ai de toute la fin qui est pourtant assez heureuse, en fin de compte, avec une note d'espoir. Mais moi, je ne retiens que Tric et sa fin déchirante.

Au-delà de ça, une autre chose m'a un peu turlupinée. J'ai trouvé dommage qu'en fin de compte l'intrigue sur la vengeance rejoigne si complètement celle sur le destin de Mia (même si, là-dessus, je dois dire que, de ce que j'ai compris, le côté "élue" de Mia relève plus de "désigné volontaire" que du "choisie avant même sa naissance", ce que j'apprécie, moi qui n'aime pas les histoires de destin !), parce qu'en fin de compte on se retrouve avec une bête histoire de lutte de l'ombre contre la lumière, de lutte de l'ombre contre elle-même, et j'ai trouvé ça dommage que ça vire au block-buster.

J'ai aussi eu du mal à visualiser certaines scènes à cause des lieux mal ou peu décrits et du coup j'avais du mal à imaginer les mouvements, les déplacements.

Ceci dit, il y a beaucoup de leçon, dans ce roman, glissées çà et là, sur le fait d'oser, d'affronter la peur, la partie sombre de nous-mêmes, ce que j'ai trouvé très bien !

J'ai beaucoup aimé aussi la scène où les personnages racontent les ratés de leur première fois. Je trouve que c'est un sujet dont au final on parle assez peu et c'est une parenthèse sympa qui dédramatise un peu la question, j'ai bien aimé ! En revanche, j'ai un problème avec la scène de sexe coupée au montage et présentée à la fin comme un bonus : elle commence véritablement quand Mia se réveille sous les stimulations d'Ashlinn, ce qui, en fait, constitue une agression sexuelle, donc bof.

J'ai bien aimé aussi l'autodérision de l'auteur concernant notamment les reproches que l'on pourrait lui faire sur les scènes érotiques !

En revanche, je regrette les quelques incohérences ici et là. Ashlinn qui tout à coup a une odeur de jasmin alors que c'est de la lavande ; la tisseuse qui modifie son propre visage pour se rendre belle et dans la description l'auteur y inclut les cheveux alors qu'il a été dit qu'elle ne pouvait pas faire repousser les cheveux, ce qui avait une certaine logique avec son pouvoir centré sur les chairs et les muscles ; et, surtout, les fragments de la Lune censés tous se réunir mais dont il reste au final au moins deux exemplaires égarés à la fin du roman : ça n'aurait pas dû être possible, ou si ça l'est on ne peut pas dire, du coup, que la prophétie est réalisée.

J'en suis d'autant plus irritée que tout se passait bien, jusque-là. Je commence à en avoir un peu assez des auteurs qui font des incohérences sur leur propres univers parce que ça les arrange, ou pour faire passer le message de la conclusion : bah oui mais ton message, aussi plein d'espoir et sympathique soit-il, il est mis en scène d'une manière qui nie tout ce que t'as dit avant. En ce moment dans les livres que je lis il n'y a que ça, ou du moins il y en a beaucoup, qui finissent avec des incohérences, et ça me fatigue. Ce n'est quand même pas si compliqué que ça de faire attention…

Au final, je vous rends un avis très en demi-teinte alors que j'ai passé un bon moment !

Mais le souvenir de ma lecture est pas mal entachée par la fin de Tric, qui me broie le cœur.


L'Âme des Parangons
– Pierre Grimbert

On les avait condamnés au bagne, sans espoir de retour. Une centaine d’hommes et de femmes, enchaînés, alignés dans le convoi les menant vers leur dernière demeure. Des individus issus de tous les royaumes, et coupables – le plus souvent – des crimes dont on les accusait. Mais au cours de cet ultime voyage, le destin devait en décider autrement.

Lors d’une terrible tempête de sable, aveuglant les gardiens, rendant les bêtes folles de terreur, les prisonniers se retrouvent libres à nouveau. Mais dénués de tout, dans des territoires inhospitaliers, livrés à eux-mêmes, à leur sauvagerie, à leurs différences, à leur soif de paix… ou de vengeance.

La tempête a aussi exhumé les ruines d’une cité si ancienne qu’aucune carte ne la mentionne. Est-ce le signe que certains attendaient ? Une chance unique d’établir une communauté de repentis, de racheter leurs âmes ? Ou une occasion inespérée de fonder un royaume de brigands ? Et de prendre leur revanche sur l’injustice dont ils ont souffert…

Au bout de quelques pages, j'ai pris conscience d'avoir commencé à lire sans même lire le résumé. En lisant le résumé, j'ai réalisé que j'avais acheté le livre sans le lire non plus. C'est vous dire si j'ai une confiance aveugle en Pierre Grimbert.

J'ai enchaîné sur celui-ci, parce que c'est Pierre Grimbert, que je sais que ça finit bien, avec de l'espoir, tout ça, et que j'en avais grand besoin. Au final c'est à la fois une bonne et une mauvaise pioche. Bonne pioche parce que c'est du Pierre Grimbert, et que donc la note finale est à la hauteur de mes espérances, et mauvaise parce que j'aurais voulu un autre dénouement pour Ma'tis (mon p'tit chouchou :P).

Déjà, le parti-pris de Pierre Grimbert est un peu risqué : pendant plus d'une dizaine de chapitre, l'on a un point de vue différent, d'un personnage différent, à chaque chapitre. Pari réussi : je n'ai jamais été perdue ! Je savais toujours où j'étais, ça a marché pour moi !

On suit donc nos pauvres rescapés de la tempête jusqu'à une ville en ruines où ils vont devoir y survivre. Je trouve que le résumé induit une histoire qui se déroulerait sur plusieurs semaines voire mois mais en fait pas du tout : en quelques jours c'est bouclé, et j'avoue que j'ai beaucoup aimé ce choix ! déjà parce qu'il est réaliste, et puis parce que les grandes aventures de plusieurs mois, ça va deux minutes.

Comme d'habitude avec Pierre Grimbert, les personnages sont extras ! Peut-être que ce que l'on peut reprocher à leur grand nombre et au choix de changer souvent de point de vue, c'est que du coup j'ai trouvé un peu plus dur que d'habitude de m'y attacher profondément. Mais ils sont tous très, très, très chouettes ! J'ai aimé que la question des esprits un peu dérangés soit abordée (oui, parce que, parmi les rescapés de la tempête, autant il y a des innocents et des cas de légitime défense, autant il y a des tueurs en série et des gens un peu frappés du bulbe, hein), et j'ai aimé la manière dont elle l'est, parce que le point de vue de certains de ces personnages est utilisé, et il est possible d'avoir une certaine empathie pour eux (ce n'est quand même pas de leur faute s'ils sont un peu dérangés, et dans notre monde contemporain ils auraient fini entre les mains d'un psychiatre plutôt qu'au bagne).

Et, ô miracle, pas d'incohérence au compteur !! (oui, j'en suis vraiment à souligner les romans où il n'y en a pas…)

L'écriture est super fluide, super chouette, comme d'habitude ! J'aurais peut-être aimé parfois une focalisation un peu moins externe, un peu plus de sensations sur ces corps soumis au chaud, au froid, à la faim, à la soif, à la peur, mais j'ai suivi cette aventure avec beaucoup d'intérêt jusqu'à la fin, avec la note d'espoir pour ce qui est des héros (ou j'ai choisi de voir ça). J'aurais bien voulu savoir ce qu'ils deviennent après tout cela, en revanche (mais le fait que l'on ne sache pas laisse la porte ouverte à une suite et, moi, je veux une suite).

J'ai aimé la fin d'autant plus que je ne l'ai pas trouvée précipitée comme avec le roman précédent, le rythme est parfaitement bien dosé ce coup-ci !

En gros, si vous voulez un roman bien écrit, avec de super personnages très, très chouettes, menés dans une ville hostile et dangereuse, mais sans l'ambiance pesante d'une dark fantasy, avec une sorte de tendresse, allez-y !


Cinqueterre
– L.-F. Courteveille

Longtemps après l’extinction des humains, les qwentils mènent une existence des plus paisibles, en leur vallée sanctuaire du Briselonde. La violence, dit-on, a disparu pour toujours, grâce aux anciens, les seigneurs protecteurs, détenteurs d’une magnifique et puissante magie. Comme leurs véhicules sans attelage, ou ces mirenoirs capables de figer l’image d’une personne – un reflet immobile, parfait, qu’ils nomment des silfies.

Et autour de cet étrange paradis, rôdent les ronfles...

Embarquez pour un voyage entre la Fantasy et la Science-Fiction, vers un futur que vous n'auriez jamais osé imaginer. D'une petite vallée où le temps semble figé, partez à la découverte de Cinqueterre... mais qui sait où vous mèneront vos pas, à travers mille péripéties inattendues ? Pourquoi pas jusqu’à l'ultime révélation, celle qui redistribuera les cartes entre le bien et le mal ?

C'est un roman que je veux lire depuis vraiment longtemps, quand j'étais encore sur Twitter et que l'autrice postait des extraits et papotait – donc plusieurs années. J'aimais beaucoup ses extraits, même très courts, parce que j'aimais la richesse du vocabulaire, les tournures, etc. Pourtant, un mélange SF et fantasy, ce n'est pas vraiment ce que je lis habituellement, surtout qu'elle présente ça comme un récit second truffé de références pop culture (je pense que, à part les tessela, nom des voitures, je n'en ai comprise aucune et trouvé à peu près autant xD) ; et puis j'avais tendance à me méfier des bouquins auto-édités. Mais le roman était resté sur ma liste. Juste, ce n'était pas le moment, j'avais besoin de lire autre chose. J'ai enfin lu. Et comme mon instinct me trompe quand même très rarement : j'ai adoré.

J'ai préféré le premier tome au second, je crois, mais je les ai tous les deux appréciés ! Les personnages sont sympa comme tout, l'univers est très sympa, avec des choses que certains personnages ne comprennent pas mais que nous, oui, parce que cet univers n'est jamais qu'un futur lointain et imaginé de notre propre monde, donc il y a des références que l'on capte. Les personnages sont vraiment bien présentés, tout en finesse. À la lecture du premier tome, je n'étais pas encore à la moitié, je crois, que je me disais que c'était un roman diablement intelligent. Très bien écrit – et parfaitement compatible avec l'écriture que j'aime : du vocabulaire, et une chronologie claire ("deux jours avant", etc.).

On évite le triangle amoureux à la sauce Young Adult, et c'est quand même très appréciable ! S'il avait eu lieu, le roman aurait perdu en qualité et en profondeur, je pense.

J'ai aimé aussi le second tome, particulièrement le fait que l'on se penche davantage sur le peuple des anciens, en ayant, pour la première fois je crois, des passages à leur point de vue, surtout celui de Cassidan. Et comme j'adoooooooooooooore Cassidan ça m'allait ma foi très bien ! Je regrette peut-être que, du coup, la ligne chronologique des Tollivert s'efface un peu et qu'ils ne sont pas vraiment les héros de ce récit, sans qu'on les lâche tout-à-fait ; je crois que j'aurais voulu les voir un peu plus. Mais les voir plus, c'était moins mettre l'accent sur Cassidan, sur l'aventure de Merle qui est aussi une aventure de guérison, d'émancipation, en quelques sortes, par rapport à ses traumatismes, et qui sont en fait les vraies histoires de ce tome-là.

C'est un roman qui tape un peu sur notre époque, notre époque qui pollue, notamment. C'est un roman, surtout le second tome, qui est une ode au voyage, à s'ouvrir au monde et aux autres, plutôt que de rester dans son petit univers, en tout cas je l'ai compris comme ça.

L'écriture est parfaitement compatible avec ce que j'aime, et la fin aussi ! Un moment, quand on croit à la fin de Cassidan et Niamh, j'étais un peu… déçue ? amère ? tristoune ? (je ne peux pas être trop précise pour ne pas divulgâcher, mais disons qu'il y avait un côté… vous savez, quand les personnages ne meurent pas vraiment mais n'existent pas vraiment non plus) Et en fait, ils ont le droit à une vraie fin, et ça me fait vraiment plaisir. D'ailleurs, en parlant d'eux, leur intrigue tourne de manière assez inattendue et en même temps… en même temps j'y crois. Jamais je ne me suis dit que ce n'était pas crédible, que bon sang qu'est-ce qu'il se passe c'est n'importe quoi ; et jamais je ne me suis dit non plus que l'autrice en avait dit trop, qu'on avait parfaitement deviné. En fait, elle a parfaitement bien dosé le rythme, les indices, etc. ce qui fait qu'il y a un côté surprise préservée et en même temps c'est crédible, ça ne tombe pas du tout comme un cheveu sur la soupe. C'est parfait !

Mon seul unique micro-bémol c'est que j'avais du mal souvent à m'imaginer les lieux décrits, l'agencement, la droite, la gauche… je crois aussi avoir repéré une micro-incohérence dans le premier tome (de l'ordre de on dit deux et deux pages plus loin on dit trois), mais franchement, vu les giga méga incohérences que les uns et les autres nous sortent crème, et vu que tout le reste est nickel, ce n'est même pas un reproche.

Elle utilise parfois le dédoublement de l'écriture dite inclusive ("les gamins et les gamines") et ça m'a chaque fois dérangée, parce que quand on me dit "gamins" j'imagine déjà des garçons et des filles, et j'ai toujours l'impression que si on sépare c'est que la séparation est importante, que gamins et gamines seront traités différemment dans l'histoire. Heureusement ça reste rare et ça n'enlève rien à la qualité du roman et à mon enthousiasme !

Mon seul regret tient à quelque chose qui n'a rien à voir avec le livre : quand j'ai voulu acheter l'intégral sur Amazon où il est disponible, mon compte a été clôturé, et j'ai donc dû le prendre sur Leboncoin. J'aurais voulu que l'argent tombe plutôt dans la poche de l'autrice, je suis un peu tristoune. Elle a annoncé il y a un moment sur Twitter qu'elle était malade, et on n'a pas de nouvelles depuis, donc j'espère qu'elle va bien, et qu'elle écrira des tonnes d'autres romans, parce que celui-là, franchement, n'est pas loin d'être un coup de cœur ! Puis, c'est vrai, j'ai un petit cœur fragile, j'aime les histoires où tout est bien qui fini bien (quand je vous dit, que le travail de cette autrice est parfaitement compatible avec la lectrice que je suis !).


La Cité diaphane
– Anouck Faure

Merveille architecturale élancée vers le ciel, Roche-Étoile a connu la splendeur et la chute. La cité sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole brumeuse depuis que les eaux de son lac et de ses puits se sont changées en poison mortel.

Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore quelques âmes, en proie à la souffrance ou à la folie, et celles-ci ne semblent guère disposées à livrer leur témoignage.

Un jeu de dupe commence alors entre l’archiviste et ces esprits égarés, dans les dédales d’une cité où la vérité ne se dessine qu’en clair-obscur, où dénouer la toile du passé peut devenir un piège cruel.

Ce roman m'avait plutôt tapé dans l'œil dès le début, et la lecture de l'extrait sur le site de la ME avait achevé de me convaincre.

J'ai bien aimé, mais pas autant que je m'y attendais. Je dois dire que j'ai connu un trou d'intérêt d'une centaine de pages, à partir du moment où l'identité de Vanor est révélée, jusqu'au dernier arc, l'expédition du prince, qui a de nouveau attisé ma curiosité. J'ai traversé ces cent pages du milieu comme on traverse un film alors qu'on est malade : j'ai lu, sans ennui mais sans enthousiasme non plus. Puis autour de la moitié du bouquin, mon intérêt est reparti.

Je n'ai pas aimé cette révélation autour de l'identité de Vanor, peut-être parce que je m'attendais à autre chose, quelque chose de plus mystique, et puis c'est amené tellement vite qu'en fin de compte je ne me suis pas dit que je m'étais fait avoir comme un bleu, je ne me suis pas dit avec jubilation que j'avais deviné, ni rien de tout ça : je me suis juste dit : gné ? OK-KÉÉÉÉ... Pour moi, ça tombait brusquement, comme un cheveu sur la soupe. J'ai quand même continué de lire, parce que c'est bien écrit et qu'il m'en faut quand même beaucoup pour que j'arrête un livre au milieu. J'ai quand même bien fait de continuer, car j'ai au final apprécié ma lecture.

D'abord, j'ai beaucoup aimé l'ambiance. La fin tourne à la dark fantasy sans l'ambiance gluante qui va avec et qui me file le bourdon pendant trois jours, ce qui me convient tout à fait. C'est une ambiance davantage… mystérieuse ? un peu comme un rêve, je dirais, assez légère et enveloppante. L'aventure du prince, mais aussi d'autres éléments du récit donnent la sensation d'un grand conte, ce que contribue à renforcer le fait que les noms des personnages ne sont quasiment jamais dit, car un nom prononcé est un nom que les démons peuvent entendre et dont ils peuvent se servir. Donc, les personnages sont "la jeune dame", "le mendiant", etc. et ça donne un côté universel, comme dans les contes.

On ne sait pas si Vanor est homme ou femme, et lui-même ne le sait pas car ses souvenirs lui ont été pris pas la déesse. Je crois, en y repensant, qu'Anouck Faure a tourné son texte de manière à ce qu'il y ait le moins d'accords possibles, et en fin de compte c'est assez habile, ça participe aussi à l'atmosphère particulière.

C'est une histoire d'amour filial, de trahisons, de quiproquo… en fin de compte assez simple mais bien racontée. Je crois que si vous n'êtes pas trop habitués à la fantasy, mais que vous aimez les contes, ça pourrait vous plaire !


Que lisez-vous en ce moment ?

samedi 9 décembre 2023

À un fil

Source – Kelly

Hier, j'ai oublié de prendre mon demi cachet de Fluoxétine (je crois que c'est le nom) et hier soir et ce matin j'étais retombée dans les ruminations glauques, les larmes pour rien, le sentiment d'être esseulée. Alors que ces dernières semaines, grâce aux cachetons j'avais des émotions plus stables, je ne tombais pas au fond du trou dès que les choses s'enchaînaient (j'ai quand même toute la verrerie de la voiture à refaire, de la moisissure dans la voiture et sous mon futon, une tringle à rideau qui a décidé de ne pas tenir, une reconversion un peu au point mort, des problèmes de sous… et malgré tout ça je tiens encore la route alors que d'habitude il m'en faut beaucoup moins pour sombrer), et même une fois j'ai vu le gouffre, j'ai vu dans quel état j'aurais dû être, et je me suis penchée au-dessus en me disant avec un sourcil dressé d'étonnement : "je ne tombe pas ? ah. d'accord…". Et juste un cachet oublié, et mes émotions foutent déjà le camp, un petit peu. Je me suis vite empressée de prendre mon cachet ce matin, du coup.

C'est un peu étrange de me dire que la manière dont je perçois ce qui m'arrive, le monde autour et moi dans le monde, tient à un cachet. Que, si je ne le prends pas, tout de suite je retombe dans le mécanisme de dénigrement et de victimisation. On parle victimisation avec la psy (merci Virevolte !!), et elle m'a fait parler de ma famille aussi. On a parlé d'identité. Elle a dit qu'elle était contente que j'aborde ce sujet de moi-même – le fait que je ne sais pas ce que ça veut dire la question "qui on est" –, mais en vrai elle m'avait posé des questions, c'est elle qui m'a amenée là, je pense. Des fois j'ai du mal à savoir si c'est elle qui m'emmène quelque part, sur un terrain, ou si elle ne fait que poser des questions par rapport à ce que je dis et que les liens et les glissements se font par hasard.

Je dis que je tiens la route malgré tout ce qu'il se passe mais ce n'est pas vraiment vrai. J'évite juste la tempête intérieure, celle avec des vagues hautes comme des immeubles, mais l'autre jour je me suis quand même tapé la tête, et quand j'ai réalisé que j'avais peut-être changé d'aspirateur pour rien puisque le bouchon n'était peut-être pas là où je pensais et que donc en l'enlevant au bon endroit peut-être qu'il aurait fonctionné encore et que donc en changer c'est pas très bon pour la planète, quand même, je me sentais coupable et conne. Quand j'ai vu les moisissures dans la voiture aussi je me suis sentie conne. J'aurais dû m'en rendre compte plus tôt vu que ça fait quand même un an que j'ai du givre dans la voiture, j'aurais dû me poser des questions aussi quand j'ai vu qu'un carton que j'avais laissé dans le coffre avait moisi. Mais non, je me suis dit que ce n'était rien de grave, ce devait être normal. Résultat : je dois changer toute la verrerie, maintenant.

Les cachets m'aident à réguler, je pense. Au lieu de tomber dans le gouffre tout au fond et de ne pas en sortir parce que les ruminations et toute la liste des choses nulles s'allonge et s'allonge et s'allonge je tombe moins vite moins fort et je remonte plus rapidement, pour stabiliser. Le médecin avait dit que ça devait faire un coup de boost. Je ne sens pas du tout le coup de boost, mais ça régule mes émotions.

Avec la psy on a parlé efforts, aussi, persévérance, tout ça. C'est lié à la confiance en soi et à l'estime de soi je pense parce que souvent je me dis pourquoi je ferais des efforts puisque de toute façon je ne vais pas y arriver. Mais on a parlé de ça avec la psy et maintenant j'ai réussi à rattraper mes leçons en retard de moyen-égyptien ! Manque plus qu'apprendre le vocabulaire en retard et à faire mes exercices et je serai bonne ! Même si je dis que j'ai rattrapé alors qu'en fait quand je pense avoir compris le prof dit un truc et je suis perdue… mais en voyant les exercices qu'on va corriger mardi, juste comme ça, y a des phrases que je savais comment traduire, donc je suis contente, je vais essayer. J'ai vraiment envie d'écrire une histoire en hiéroglyphes, à la fin. Je fais des efforts. Un peu plus que d'habitude. Je persévère dans ma recherche de reconversion, aussi, même si c'est mal parti entre les informations contradictoires de Transition Pro, sur le site ou de ce que me dit la dame, celle du CEP qui n'a pas compris ma dernière question, les musées qui ne prennent pas d'alternants et les formations qui ne prennent pas les filles qui n'ont pas fait de stage avant. Je vais tenter une Licence Pro, en région parisienne, mais il va me falloir une alternance. On y croit… Bref.

Mon humeur et ma motivation tiennent à un cachet, pour le moment.

La psy dit qu'on avance, que maintenant ce n'est plus bloqué quand elle me pose des questions sur ma famille. On a parlé de c'est quoi la famille, la définition de la famille, la dernière fois. Résultat j'ai un problème avec les émotions, puisque pour moi la famille c'est apprendre à pêcher.

jeudi 19 octobre 2023

Dépression

Source – Emma Li

J'ai vu la psy ce matin. À la fin, elle a fait toute une liste de trucs, elle me l'a fait voir, et elle m'a demandé ce que ça m'inspirait. J'ai dit que ça ne respirait quand même pas la joie de vivre. Tu m'étonnes. Je me mords l'intérieur de la joue depuis que je suis gamine, pour avoir du sang, parce que j'aime bien le sang, quand je suis stressée ou angoissée ou quoi, et ça, en fait, c'est comme si je me scarifiais. Je dors mal (ce n'est pas nouveau). Je mange… bon, un peu n'importe quoi parce que flemme de cuisiner mais après j'ai trop faim donc je prends un goûter (en déjeuner, en fait) sur le chemin du retour du boulot, mais c'est du sucre, et puis je mange McDo quand ça ne va pas, à peu près tous les trois mois (comme aujourd'hui – sauf que ça ne fait pas trois mois) (tout ça, je ne l'ai pas dit à la psy, je n'y ai pas pensé, sur le coup). Le fait que ça devient de plus en plus difficile de sortir de chez moi ; objectif de ma semaine de vacances : rester sous la couette sans rien faire, juste avec un livre, deux livres, plein de livres, et lire du matin au soir (je dois mettre la voiture au contrôle technique, mais c'est une obligation). Et je pense que la vie c'est de la merde. Je me trouve nulle, la plupart du temps.

La psy m'a fait remarquer que je lui disais ce que ce n'était pas, mais qu'elle avait demandé ce que c'était. J'ai dit : "la dépression ? le contraire de la joie de vivre, c'est la dépression ??". Elle m'a dit des trucs, je ne me souviens plus quoi, puis elle m'a demandé pourquoi je pensais à la dépression, et j'ai dit que ben le contraire de la joie de vivre… c'est la dépression. Donc voilà.

C'est un peu bizarre. Déjà, pour moi, dans ma tête, la dépression c'est plus quelqu'un roulé en boule sur le canapé et qui ne peut rien faire (et là, la psy m'a dit : "et qu'est-ce que vous allez faire, pendant vos vacances ?" haha…). Puis, ma meilleure amie est en dépression, et elle va encore moins bien que moi, donc je me dis que je ne dois pas faire une vraie dépression, plus comme un gros caprice, vous voyez ? En même temps, la psy pense que je fais une dépression, et encore c'est sans savoir que ça m'arrive de penser au suicide. Pas comme un truc que je vais faire, plus comme une espèce de possibilité dans tout le champ des possibles de la vie. Du coup je ne sais pas si ça compte comme une pensée suicidaire.

N'empêche que c'est vrai que faire des trucs devient compliqué. J'ai arrêté de faire à manger le week-end pour la semaine qui vient. Je lis beaucoup moins souvent vos blogs. Je n'écoute plus la radio dans la voiture, ni les infos ni rien, parce que ça m'angoisse. Mener des trucs à terme est compliqué : mes recherches sur Philomène du XIXème siècle trouvée au cimetière sont arrêtées (le carnet sert même à autre chose, maintenant) ; cet été je ne suis pas allée jusqu'au bout du sport ; et là j'ai arrêté d'écrire un texte par jour pendant Inktober, parce que finalement ça ne me plaisait plus… Et faire le ménage… ça me paraît la plupart du temps insurmontable, même si en vrai ça ne me prend qu'une heure…

La psy m'a suggéré de passer aux médocs. J'ai pris rendez-vous chez le médecin aujourd'hui, parce que je savais que sinon je n'y arriverai pas. Ça m'a tellement angoissée de me rajouter encore un rendez-vous sur le dos alors que je veux juste écrire que j'en ai eu un peu mal au ventre. Je vais commencer par des trucs naturels genre millepertuis, je pense. C'est surtout que la psy m'a demandé que j'aie vu le médecin la prochaine fois que je la vois. Et comme je ne veux pas sortir des vacances qui sont dans deux semaines, je n'avais pas trop le choix que de faire ça vite.

C'est bizarre de parler de dépression. Enfin, dans ma tête la dépression c'est pour les gens qui ne vont vraiment pas bien. Je savais que je ne vais pas bien, mais de là à parler de dépression… ça doit être une dépression légère.

La psy a dit que chaque fois que l'on frôlait l'origine du problème, il y avait un blocage, et que c'est ça aussi qui lui faisait penser à la dépression, parce que la dépression c'est comme un brouillard qui empêche littéralement certains neurones de fonctionner. Elle m'a demandé ce que j'aurais aimé comme réaction quand j'étais enfant et que je me mordais la joue et que je mettais du sang sur mon doudou. Sur le coup je n'ai pas trop osé répondre, mais je crois que j'aurais aimé de l'inquiétude plutôt qu'un : "arrête de te mordre". Dans la voiture j'ai repensé à des trucs que j'ai écrit. Dans une de mes histoires il y a un personnage qui a fait pas mal de conneries quand il était jeune donc il a pas mal de cicatrices et une fille lui demande l'histoire de l'une d'entre elles et ça l'horrifie et elle lui demande de s'arrêter de se mettre en danger et le garçon réalise qu'il attendait ça depuis longtemps. Il y a aussi cette bêta-lectrice qui m'a dit, sur le dernier roman, que j'avais un peu trop poussé l'inquiétude des autres personnages pour l'héroïne (ha ha…). Donc ben… nous voici sur une partie de la réponse, j'imagine.

Je crois que j'en avais déjà parlé ici mais j'ai du mal à prendre soin de moi, à prendre rendez-vous chez le médecin (j'y vais toujours avec plusieurs trucs à dire, du coup ; là, ça fait plusieurs semaines (mois ?) que je n'ai plus de gouttes pour les yeux, mais je n'ai quand même pas pris rendez-vous, j'attends d'y aller pour les autres trucs et d'en profiter), et les autres spécialistes. Je ne m'arrête pas quand je n'ai plus faim (alors que quand j'étais enfant je pouvais m'arrêter au milieu d'une glace parce que je n'avais plus faim). Des fois, je suis vraiment fatiguée, mais je vais quand même pousser pour ne pas aller me coucher, alors que je sais que je me fais du mal, mais je le fais quand même. J'essaye d'arrêter, mais j'ai eu une période où quand j'avais besoin d'aller aux toilettes, je me retenais exprès (le temps de fermer les volets de l'appart' le soir, par exemple) au lieu d'y aller tout de suite. C'est un truc que je devrais dire à la psy, maintenant que j'y pense…

J'ai voulu aller sur des serveurs Discord de gens qui ont besoin d'aide, mais le premier mettait carrément "autodiagnostic interdit" et "l'avis d'un psychologue n'est pas un diagnostic". Ah. Bon. Heureusement qu'ils précisaient qu'on pouvait quand même parler de son mal-être sans diagnostic, dites donc. L'autre, c'était moins pire, mais il n'avait pas l'air très actif, et finalement en survolant quelques messages je me suis dit que macérer dans une atmosphère comme ça de tas de gens qui ne vont pas bien… bof. Pas pour moi.

Je ne sais pas trop ce que ça me fait, ce mot "dépression". Je ne m'y retrouve pas trop, je pense. Pour moi, je ne vais pas assez mal pour être en dépression. Je veux dire, oui, j'ai quelques symptômes peut-être, mais à petite intensité, donc ce n'est pas vraiment trop comme une dépression. La psy m'a dit que la première fois que je suis allée chez elle, elle pensait que j'étais en état dépressif (en gros, une dépression pas installée dans le temps). Je respirais déjà la joie de vivre.

Bon. Du coup j'espère que vous allez mieux que moi !!

mardi 26 septembre 2023

Les choses fausses

Source – Gustavo Queiroz
Quelqu'un m'a fait un compliment (j'espère qu'elle ne lit pas mon blog… si je savais qu'elle lit, j'aurais fait en sorte qu'elle n'apprenne pas mes déboires intérieurs par ce biais), très enthousiaste, en disant qu'elle n'avait rien eu à redire sur mon texte, que tout est parfait, sauf peut-être deux tournures, c'est tout. Je me suis un peu fait mousser sur un serveur Discord, et elle est intervenue pour dire qu'il y a toujours des choses à corriger et qu'elle m'avait dit que mon texte était très bien et que les corrections étaient minimes. Sauf que ce n'est pas ce qu'elle m'a dit, en privé. Ou plutôt : ce n'est pas ce que j'ai compris de ce qu'elle m'a dit. Au final, les deux propos sont pareils : mon texte est enthousiasmant, mais la couleur est différente. Je ne peux pas m'empêcher de ressentir de la déception et surtout sur moi-même, d'y avoir cru alors que évidemment que ça ne pouvait pas être aussi simple.

J'aurais dû m'en douter parce qu'un jour j'ai commenté une publication sur Instagram en disant que j'aimais beaucoup la couverture du livre, et en disant aussi les choses que j'aimais moins. Et une fille a débarqué en disant : "c'est marrant cette manière que tu as de toujours critiquer avec l'air de ne pas y toucher", avec un smiley. Ben oui, désolée, moi je dis ce que je pense, et du coup le jour où je dis que "j'adore" sans rien derrière c'est que j'adore vraiment. Mais en fait ce que je veux dire c'est que du coup si les autres sont surpris de quelqu'un qui exprime les nuances de son avis, c'est que eux ne l'expriment pas. Pas de "j'adore, mais tel truc" (ou l'inverse : "tel truc, mais j'adore"). Alors forcément, les compliments sont faux, ou disons surjoués, et moi je suis trop bête pour y croire, parce que ça me fait me sentir acceptée et reconnue.

L'autre jour j'ai reçu le SMS d'une bénévole de la radio (alors déjà recevoir des trucs pros sur mon portable perso, c'est non) qui disait : "j'ai écouté l'émission, pas de bol ce n'était pas la bonne, deux heures de préparation pour rien, je suis contrariée". Sous-entendu : tu as programmé la mauvaise émission. À quoi suit, quand je réponds que j'ai programmé ce qui m'a été demandé : "apparemment il y avait deux fichiers". Sous-entendu : tu t'es gourrée. Sauf que moi, je ne supporte pas cette manière de parler. J'aimerais que l'on me dise les choses vraiment. Je ne supporte pas les critiques par en-dessous. Je ne déteste rien de plus que l'hypocrisie. Ça me fait me sentir impuissante et stupide. Comme la remarque n'a pas été faite franchement, tu ne peux pas non plus te défendre franchement. Tu es coincé. Cette bénévole est une ancienne cadre, je crois qu'elle ne connaît que cette manière de s'exprimer, ça doit être devenu une sorte de seconde nature. Mais moi, ça me fait me sentir conne, comme si je n'étais pas assez bien, pas assez digne de respect pour que l'on me fasse les reproches clairement.

Découvrir que le compliment était exagéré m'a fait un peu la même chose. La personne qui me l'a fait bêta-lit en même temps l'un de mes romans, elle a dû se dire que ce serait trop de tout critiquer, et le roman, et ce fameux texte, alors autant en mettre une bonne couche sur l'enthousiasme, ne pas exprimer les nuances, pour ne pas me vexer. Je pense que ce n'était pas du tout méchant, que c'était vraiment pour me faire plaisir, mais découvrir que du coup ce qui m'a été dit n'était pas à prendre au pied de la lettre, était à considérer avec le contexte et tout, me donne l'impression d'être une pauvre fille à qui les autres ne se sentent pas de dire les choses, ou ont peur parce que j'ai sale caractère et que je suis impulsive et des fois assez arrêtée et que ça peut se sentir sur internet aussi, alors pour pas risquer de me faire partir au quart de tour vaut mieux y aller mollo. Ça me vexe, et ça m'attriste. J'ai l'impression de ne pas être assez digne de respect pour que l'on me dise les choses clairement.

En plus, je surinterprète déjà beaucoup de choses, dans la vie de tous les jours – ça doit être en partie dû à une petite anxiété. Quand une amie me dit qu'elle aime lire mes messages, mais que quelques mois après elle me dit que "ça ne la dérange pas", je comprends que je suis sur une pente dangereuse et que je ferai bien d'arrêter de la saouler en lui parlant de ma vie avant qu'elle soit vraiment saoulée. Quand une personne avec qui je correspond par mail ne répond pas pendant deux, trois mois je vais commencer à me dire qu'elle s'en fout, qu'elle a dû se rendre compte que je ne lui apportais rien et que c'était une perte de temps de me répondre. Ça ne me le fait pas avec toutes les personnes avec lesquelles je discute, mais ça me le fait, des fois.

La psy dit que "ça ne me dérange pas" doit juste être compris comme "ça ne me dérange pas". Mais comment est-ce que je suis censée comprendre ça comme ça, et croire les compliments, aussi, quand à côté d'autres personnes disent des "j'adore" qui ne signifient pas "j'adore" ? Moi, quand je dis "j'adore" ben c'est vrai, j'adore. Je me sentirais mal et malhonnête de dire juste "j'adore" alors que j'ai aussi des réserves. Mais comme je suis à peu près la seule, apparemment, ça veut dire que les compliments ne sont pas des compliments, juste des trucs balancés comme ça pour faire plaisir. Je vais partir du principe que les compliments sont tous faux, ce sera plus simple que de devoir me demander si le contexte, ou la personne, ou mon attitude ou quoi crée quelque chose de faux ou si c'est vrai.

En fait, c'est déjà dur pour moi de me raisonner quand je commence à suspecter que je suis la personne la moins appréciée d'un groupe, que je suis un bouche-trou, que les gens vont finir par s'apercevoir que je suis inintéressante et nulle. Ça me demande un véritable effort de me maintenir dans l'idée que les gens me parlent parce que je les intéresse ou qu'ils y trouvent quelque chose, que je peux vraiment intéresser les gens. Alors découvrir qu'en fait la formulation d'un compliment était à interpréter et pas à prendre au pied de la lettre, ça me jette dans mes ruminations habituelles et récurrentes de : "évidemment, parce que je ne suis pas assez bien pour qu'on me fasse de vrais compliments" ou "évidemment, parce que de toute façon ce ne sont pas mes copines, ce sont des relations fictives, comme dit la psy, et de toute façon elles ne veulent pas qu'on devienne copines" etc. C'est un truc tout bête, pourtant, une formulation de compliment, et au final elle aime quand même mon texte. Mais la couleur des deux propos est tellement différente, et moi je trouve ça tellement compliqué de savoir ce que pensent vraiment les gens, ce que je dois interpréter ou pas et comment…

Je vais arrêter de croire aux compliments. Les gens sont faux, ils exagèrent leurs réactions pour faire plaisir aux autres, voilà. En tout cas avec les gens pas assez proches pour mériter une sincérité franche du collier. Puis façon, il y a tout un tas de gens qui méritent plus ces compliments, donc bon…

Ça ira mieux demain...

dimanche 3 septembre 2023

Cercle vicieux des ruminations

Enirtourenef (moi-même, quoi huhu)
Ça a commencé en revenant du week-end à Saint-Nazaire (qui lui était très bien !), je pense. J'ai dit sur le Discord que j'avais choisi de mauvais mots-clefs pour mon roman sur une plateforme, et l'une d'entre nous m'a dit : "changes-les !" et je sais que c'était parce qu'elle pensait que je ne savais pas que je peux les changer, ou qu'elle s'est dit que je n'y avais pas pensé, ou un autre truc du genre, mais moi sur le moment je me suis sentie très, très conne, parce que ben… je ne les ai pas changé parce que je ne sais pas quels mots choisir. Si j'avais été capable de choisir de bons mots-clefs, je l'aurai déjà fait. Toutes, elles sont super, et bien plus compétentes que moi, donc ben, elles arrivent à choisir des mots-clefs. Mais moi, je suis pas prof, je suis pas philosophe, et j'ai pas du tout l'esprit câblé là-dessus, ni sur les jeux de mots, ni sur ce genre de choses (vous voyez le jeu Tout le monde a son mot à dire, sur France 2 ? Typiquement le genre de jeu où je suis nulle). Je crois que ça a commencé là.

Après, je n'ai pas eu la réponse pour l'emploi en librairie, alors que la dame avait dit fin-août (finalement, j'ai envoyé un mail et je ne suis pas dans la liste réduite, à cause de la distance – à l'entretien elle avait dit que ce ne serait pas un critère, mais ça l'est toujours). Je me suis dit que genre on m'appelle même pas alors qu'elle avait dit qu'elle le ferait puis je me suis mise à douter d'avoir bien compris. En même temps, je suis allée chez la psy, et nous avons parlé de plein de trucs, je ne savais pas trop de quoi parler alors je me suis laissée guider par les questions, sur ce coup-là. À la fin, elle m'a demandé de faire une liste des choses dont je suis capable. J'ai essayé, dans mon cahier des émotions, mais la liste à viré à l'inverse, et j'ai trouvé ça vraiment dur de la faire. J'ai cassé le câble de mon casque et je ne peux pas le remplacer parce qu'il n'y a plus de stock ou alors des frais de port monstrueux, du coup, je ne peux plus écouter d'ASMR, ni l'utiliser pour la musique quand j'écris (sur le PC, c'est pas pareil). Ma meilleure amie a répondu à l'un de mes messages : "y a pire" (pas sèchement, elle était gentille, mais bon voilà je sais qu'il y a pire c'est pas de ma faute si je suis touchée par des trucs pas graves, puis je sais qu'elle dit ça aussi parce qu'elle a l'habitude de prendre sur elle et tout, mais n'empêche que ça me fait un pincement au cœur quand même, même si y a pire qu'une personne qui vous dit qu'il y a pire).

Une amie qui devait me donner une date pour qu'on s'appelle se réveille alors que j'ai repris le boulot et que je suis plus dispo, me donne une date pour ensuite me dire ah mais non je suis à Lille avec une copine, désolée. Déjà, en juin elle m'avait fait le coup de "je sais pas quand on pourra se voir, c'est dur de s'organiser avec un bébé" (ce que je peux entendre) pour ensuite me dire dans le même message et en parlant du même événement : "et on doit voir des amis". Oui donc des amis mais pas moi. En fait, elle n'a aucun souci à s'organiser ni à voir du monde malgré ses occupations. Le souci c'est plutôt moi, j'ai l'impression. J'ai aussi repris le travail. Ça commence fort : je rate la réunion avec les grands chefs parce que je ne l'avais pas vu dans la document préparatoire de la rentrée. Une heure et demie après être arrivée j'en avais déjà marre d'être là. Puis il les cours d'aïkido vont reprendre mais je n'ose pas demander le prix de la licence dont je ne me souviens plus. Il faut que je me réinscrive aux cours de moyen-égyptien mais c'est cher et je n'arrive pas à suivre les cours car ils sont tard alors je ne comprends rien et je dors à moitié sur mon bureau mais en même temps j'ai vraiment envie de continuer, je ne veux pas me dire que j'ai abandonné.

Peut-être que mon cercle vicieux de "je suis nulle et je ne fais rien de bien" a commencé avant tout ça. À la fin des vacances, juste après Saint-Nazaire, quand je me suis rendue compte que, à part le roman, et peindre mes trucs en papier mâché (que je me suis un peu botté le cul pour le faire, exprès pour me dire que j'avais terminé quelque chose – même si j'ai aimé le faire), je n'ai rien fait de ce que j'avais dit que je ferai. Je n'ai pas passé la serpillère. Je n'ai pas rattrapé tous mes National Geographic. Je n'ai pas vu le spectacle de chevalerie (j'y suis allée un jour d'orage, donc bye-bye les chevaux, ils avaient fait un truc en intérieur, un truc bof enfin plus destiné aux enfants, tout ça parce que j'ai pas voulu sortir quand il faisait grand beau soleil parce qu'il faisait trop chaud, ou que j'ai repoussé et que je me suis retrouvée à y aller le dernier jour où c'était possible, puisqu'après je partais en week-end et qu'après le week-end le spectacle n'avait plus lieu). Je n'ai pas relu toutes mes leçons de moyen-égyptien ni appris mon vocabulaire. J'ai plié le linge qui traîne sur le manteau de la cheminée depuis un an, mais je ne l'ai pas rangé. J'ai pas réussi à faire le sport. Au début, j'ai bien tout fait comme j'avais prévu, la première semaine : dès que je me levais le matin, je mettais ma tenue et hop j'allumais le PC et je faisais les séances. Puis après je me suis chopée une migraine qui a végété pendant plusieurs jours, et après je n'ai plus réussi à m'y remettre, et les exercices de la deuxième fille sont devenus trop durs, alors j'ai essayé en ne faisant que elle, et plus la première, mais ce n'était pas mieux, et je me trouvais vraiment ridicule et pathétique à pas y arriver, et je me suis dit : "mais évidemment que j'allais pas y arriver, pour qui tu te prends ?" et voilà.

Et derrière toute cette liste d'échecs, la psy me demande ce que je suis capable de faire. Bah, pas de persévérer, apparemment. Pas d'atteindre des objectifs pourtant simples et réalisables. Pas d'aller au bout des choses. Pas de me botter le cul. Pas de rester optimiste. Pas de faire des efforts. Pas de trouver du travail. Me vautrer dans mon malheur sur des trucs bête alors que y a pire, ça oui, je suis capable. Voilà. Bon, évidemment, je ne peux pas mettre ça dans la liste, vu que ce n'est pas le sens de la question.

Je ne sais pas comment sortir de ma roue. Je ne trouve pas. La sortie des ruminations, le petit mécanisme à bouger pour tout remettre dans l'ordre, remettre mon pantin disloqué comme il faut, faire rouler la petite roue vers l'avant plutôt que dans le vide. Je ne trouve pas la sortie. Quand je crois avoir une prise, tout de suite après quelque chose d'autre me tombe dessus, ou alors je retourne la pensée dans le sens de la rumination. Genre : je ne dors pas, comme une copinaute, sauf que ma copinaute, elle, c'est parce qu'elle a peur pour son renouvellement de visa, alors que toi ma pauvre fille, c'est pour des choses pas grave, que tu dors pas. Et voilà, je retourne dans mon labyrinthe et je ne trouve pas la sortie, je n'y arrive pas. Hier j'ai lu deux leçons de moyen-égyptien, je m'en souviens à peine, j'ai du mal à suivre, à me concentrer, à me dire que je vais y arriver.

C'est pourtant un super sentiment, de se sentir capable. Quand la dame de la médiation animale m'a fait traverser le champ les yeux fermés, à la fin j'ai vu toute la distance et je me suis dit wouah j'ai parcouru tout ça. Et après j'ai trouvé que de ce côté-là la pâture ne semblait pas si grande, et je me suis dit non-non mais c'est bien j'ai traversé les yeux fermés. Mais maintenant j'y pense et je me dis oui mais la dame me tenait la main, et le champ n'était pas si grand. Je me souviens quand même du sentiment d'être capable, et du coup c'est encore pire, de savoir ce que je rate.

Je ne sais pas comment sortir. Peut-être qu'à un moment la roue tournera tellement vite que je vais être éjectée, simplement éjectée. Au moins, je n'ai pas de problème de masturbation malgré ce stress, ces derniers jours, c'est toujours ça de pris. Mais je ne sais pas comment sortir de la roue. J'ai acheté des bonbons puis je me suis dit que quand même le sachet est en plastique puis c'est pas raisonnable puis hier soir je les ai fini tous d'un coup, par émotion, et je savais que je me gavais mais je ne pouvais pas m'arrêter, j'ai fini ce qui restait du paquet. Je ne sais pas comment sortir de ma petite roue. Pourtant doit bien y avoir un mécanisme quelque part, pour me faire regarder les choses sous un autre angle. Je ne trouve pas.